C’est un visage, une voix, une carrure que le basket français connaît depuis maintenant plus de cinq ans. Élu par deux fois entraîneur de l’année en Jeep Élite, Zvezdan Mitrovic va continuer d’arpenter les parquets hexagonaux la saison prochaine avec Monaco. Le technicien monténégrin a accepté de revenir entraîner la Roca Team, là où tout a commencé pour lui en 2015 en France. Passé ensuite par l’ASVEL avec un doublé Championnat – Coupe de France 2019, le quintuple coach de la sélection étrangère du All-Star Game Français revient sur le Rocher avec des ambitions. Le confinement, Monaco, sa relation avec les arbitres : le triple vainqueur de la Leaders Cup s’est confié à Referee Time. Entretien.
Zvezdan, merci d’avoir accepté cet entretien. Votre parole est rare dans les médias, donc nous sommes d’autant plus honorés de vous avoir. Comment allez-vous ? Où êtes-vous ?
Je vais très bien, je suis en forme. Je suis actuellement chez moi, au Monténégro. Plus précisément sur les bords de la baie de Boka Kotorska. Certes, le confinement dû au virus a été compliqué, mais j’avais la chance d’être ici, en famille. Le paysage est magnifique (Il montre les montagnes en arrière-plan et la Mer Adriatique). C’est un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est génial d’être ici.
Coach, vous avez accepté il y a quelques jours de revenir à Monaco, là où vous avez entraîné de 2015 à 2018, avec notamment une montée en Jeep Elite et trois Leaders Cup. Pourquoi ?
Pour une raison très simple. Monaco est une ville sublime pour le cadre de vie. J’ai déjà vécu trois saisons merveilleuses là-bas. Au-delà de l’aspect personnel, j’adore l’organisation du club, le staff, le management et les ambitions de l’équipe. Tout est très simple là-bas.
Vous parlez de Monaco comme de votre « famille ». C’est le cas ?
Oui. Sincèrement. J’ai de nombreux amis là-bas. J’ai passé d’excellents moments. Des amis liés au basket, mais aussi de nouvelles rencontres effectuées pendant les trois années passées ici. Je suis vraiment heureux de revenir ici et de revoir toutes ces personnes.
« Avec Monaco, nous continuons de travailler sérieusement »
Zvezdan Mitrovic
À l’heure actuelle, seulement deux joueurs sont sous contrat à Monaco (Wilfried Yeguete et Rudy Demahis-Ballou). Êtes-vous inquiets ?
Non. Nous avons deux joueurs sous contrat, mais il ne m’en manque plus que trois pour être prêt à démarrer un match (rires). Sincèrement, nous travaillons sur la construction de l’équipe de façon très sérieuse. La situation actuelle fait que tout est un peu plus long. C’est plus compliqué qu’une inter-saison normale. Mais j’espère et je pense que notre groupe sera très compétitif la saison prochaine. Je ne peux rien promettre, mais nous ne sommes pas dans l’attente. Nous continuons de travailler sérieusement.
Zvezdan, aujourd’hui, vous êtes un personnage du basket français et européen. Mais comment avez-vous commencé à entraîner ?
J’ai commencé à jouer très jeune au basket-ball. Ici, au Monténégro, c’est le sport le plus populaire. Dans l’ex-Yougoslavie, c’est vraiment le sport numéro 1. J’ai joué sur les playground puis en compétition très rapidement. J’ai ensuite commencé à entrainer en professionnel en 2002 dans un club ukrainien (NDLR : Khimik Youjne). Et depuis, je n’ai pas arrêté entre l’Ukraine, la sélection nationale du Monténégro et la France.
« L’intensité défensive fera toute la différence »
Zvezdan Mitrovic
Vous avez la réputation d’être un coach exigeant, dur envers ses joueurs. Pourquoi ?
J’espère avoir une bonne relation et une relation normale avec mes joueurs. Certes, je suis exigeant. C’est comme ça que nous pouvons prétendre à avoir des résultats. Mais au-delà des qualités de basketteurs de chacun, je veux que mes gars soient de belles personnes. Nous sommes dans un monde professionnel, il ne faut pas l’oublier. C’est parfois dur, peut-être plus en France qu’ailleurs. Mais j’essaye, c’est mon but en tout cas.
Vous êtes un coach adepte du même traitement pour tout le monde : joueurs confirmés ou Espoirs. Pour vous, tout doit commencer par la défense ?
Bien sûr que l’intensité en défense fera toute la différence. Pour avoir de bons résultats et gagner des matchs, il faut défendre fort et gagner des ballons. Il faut savoir transpirer et épuiser l’adversaire. En défendant fort, tu peux contrôler le rythme du match. Mais il ne faut pas oublier que dans mes clubs en France, que ce soit à Monaco ou à l’ASVEL, nous avions toujours l’une des meilleures attaques du championnat. C’est un ensemble à mettre en œuvre et tout passe par le travail.
Elric Delord, votre ancien collègue sur le banc de l’ASVEL parlait d’un « Zvezdan Mitrovic qui aimait bien un bon whisky… » dans les colonnes de Ouest-France. C’est votre péché mignon ?
(Rires) Bien sûr, je ne dirais jamais non à un bon verre de whisky ou à un verre de vin. C’est bon pour moi. Nous sommes sans cesse confrontés au stress.
Vous êtes un homme stressé ?
Bien sûr. Avant, pendant, après les matchs. Tout le temps. Entraîneur professionnel, ce n’est pas seulement les 40 minutes sur le terrain le week-end. Il faut avoir des idées, se remettre en question, travailler sans cesse avec ses joueurs et les adjoints, avec toujours la victoire comme objectif. Tout ça fait que je suis stressé.
« Les arbitres doivent sentir le jeu et les moments importants »
Zvezdan Mitrovic
Pensez-vous que c’est à l’entraîneur à s’adapter à ses joueurs ou l’inverse ?
Non, en premier lieu, c’est l’entraîneur qui doit s’adapter à ses joueurs. Il doit comprendre qui est qui, quels sont les qualités de chacun. Lors de mes trois saisons à Monaco, nous avons toujours joué différemment. Je suis toujours à la recherche du meilleur système. Comment utiliser au mieux le spacing pour que chacun de mes joueurs puissent s’exprimer ? C’est la question que je me pose à chaque saison, chaque match, chaque entraînement. Aujourd’hui, un effectif professionnel, c’est pratiquement plus de 12 joueurs avec les Espoirs. C’est difficile de contenter tout le monde, il faut toujours commencer à faire des exercices et des systèmes simples. Les joueurs doivent parfois s’adapter au style de jeu de l’entraîneur. Mais en premier lieu, c’est au coach de tout faire pour mettre ses joueurs dans les meilleures dispositions.
Zvezdan, vous êtes également connu pour être un coach très virulent envers les arbitres. Pour vous, quelle doit être la qualité première d’un arbitre ?
Il faut que l’arbitre soit invisible sur le terrain. C’est ça que j’aime. Les fans viennent pour voir jouer les joueurs, pas les arbitres ni les coachs. Leur état d’esprit est également très important. J’aime quand les arbitres contrôlent les rencontres sans en faire trop. Contrôler et communiquer, c’est ça que je recherche chez un arbitre.
Comment les arbitres doivent-ils gérer une rencontre ?
Les arbitres doivent sentir le jeu et les moments importants. Le basket est un sport très compliqué à arbitrer. Les règles sont les règles. Le basket est une multitude de petits détails à regarder et à contrôler. Mais je pense que les arbitres doivent sentir les situations importantes, savoir reconnaître la frustration, les hauts et les bas d’une rencontre. Mais je n’oublie pas qu’un match reste un match. Il peut mal se passer pour moi, mais je n’en voudrais jamais aux arbitres si je les retrouve sur une rencontre différente. À force, on deviendra peut-être mêmes de bons amis (rires).
« Je regrette que les arbitres ne soient pas tous professionnels »
Zvezdan Mitrovic
Comment faire pour améliorer la communication entre arbitres et entraîneurs ?
Pour commencer, il y a peut-être des éléments de langage qui ne sont pas identiques. Tout commence par la langue utilisée. Je sais que je peux m’énerver facilement. J’aime gagner. Il m’arrive de m’énerver sur mes joueurs et non sur les arbitres. C’est une deuxième source de conflit. Mes réactions sont presque normales quand je suis énervé sur mes joueurs. Il faut que les arbitres fassent la différence et c’est peut-être ça qui est compliqué. Personnellement, je pense que parfois, je peux paraître énervé et sévère. Et les gens s’arrêtent sur mon visage et mes réactions. En Euroleague, en FIBA, en Jeep Elite, tous les arbitres sont différents. C’est dur de s’adapter.
On a parlé des qualités recherchées chez un arbitre… Inversement, qu’est-ce qui vous énerve ? Les fautes techniques ?
Non. Honnêtement, non. C’est une donnée d’une rencontre. Il faut faire avec. Je dois m’adapter également. Ce que je regrette, c’est que les arbitres français et en général ne soient pas tous professionnels à 100%. C’est à dire qu’ils arbitrent chaque week-end, ils travaillent pour faire la meilleure prestation, mais ils ont un autre métier tout au long de la semaine C’est dommage. Mon staff et moi, nous pensons basket 24h/24h, 7 jours sur 7. Nous sommes uniquement concentrés sur le basket. La différence majeure, elle est là !
Une promesse enregistrée !
Coach, les fautes techniques ne sont pas uniquement contre le corps arbitral, si ? Est-ce que vous n’essayez pas de réveiller votre équipe parfois ?
Oui, mais pas tout le temps. Parfois, je veux juste que mes gars se réveillent et se reconcentrent. Ce n’est pas mon but ni mon objectif premier. Mais parfois, en prendre une leur fait prendre conscience que le match est en train de nous échapper. Je veux mettre la pression à mes joueurs pour qu’ils retravaillent et soient meilleurs jour après jour.
Coach, toute l’équipe de Referee Time a une demande à vous faire. Pouvez-vous vous engager à prendre maximum trois fautes techniques avec Monaco lors de la saison 2020-2021 ?
(Rires) Vous savez quoi ? J’en prendrais 0 !
Vous savez que la discussion est enregistrée Zvezdan ?
(Rires) Ok, 3 maximum alors !
Coach, on a un petit questionnaire décalé à vous soumettre. Quatre questions. Quel est le joueur le plus fort que vous ayez entrainé ?
C’est une question très compliquée. Que ce soit en équipe nationale ou en clubs, j’ai toujours eu la chance de coacher des grands joueurs, parfois passés par l’Euroleague ou la NBA. Je ne pourrais pas en sortir un du lot.
Le joueur le plus imprévisible ?
Sans hésiter, Adreian Payne (NDLR : l’intérieur de l’ASVEL lors de la saison 2019-2020). C’est un super gars. Vraiment. Mais il est fou dans sa tête. Attention, c’est une folie “positive”, car c’est vraiment un joueur attachant.
Votre arbitre préféré en France ?
(Rires) Je viens de resigner un contrat. Je ne peux pas répondre à cette question ! Je dois me remettre au boulot ! (Rires)
Podgorica, Lyon ou Monaco ?
(Il tourne son téléphone et montre le paysage). La réponse, elle est là, derrière moi ! (Rires)
Propos recueillis par Referee Time