Il a connu presque toutes les compétitions européennes. Nicolas Maestre est de retour sur les parquets, après une blessure au ménisque. Pour nous, il revient sur cette période délicate ; un long processus pas toujours évident psychologiquement…
Nicolas Maestre commence l’arbitrage à l’UNSS à l’âge de 13 ans mais c’est à 16 ans qu’il se lance réellement dans cette activité avec la Fédération Française de Basketball. Pas de « case département » pour Nicolas, qui passe directement au niveau régional à 16 ans. Le sudiste intègre les stages nationaux, stages de détection et de perfectionnement mis en place par la FFBB, et arrive à 24 ans en Jeep Élite, ex Pro A. Ascension fulgurante pour celui qui a sauté un niveau et qui est passé directement de la NM1 à la première division nationale. Pas de Pro B donc, mais il ne va pas s’arrêter là. À 26 ans il passe arbitre international et à 27 ans, après une première saison en tant qu’arbitre FIBA, il passe arbitre EuroLeague. Pendant quinze ans, jusqu’en 2016, Nicolas arpentera les terrains de la plus grosse compétition européenne, avant de se faire écarter du groupe pour des raisons diplomatiques – bien connues malheureusement – entre la FIBA et l’EuroLeague. Prenant actuellement du plaisir sur les parquets de la Basketball Champions League, ce début de saison ne s’est pas passé comme prévu pour l’arbitre de 47 ans, qui a dû se faire opérer du genou à cause d’une blessure au ménisque. Licencié depuis 30 ans au SA Caussade, il s’est livré pour nous. Entretien.
« Quand je suis rentré chez moi, j’étais abattu. »
Nicolas, merci de nous accorder cet entretien. Tu as été écarté des terrains un long moment, que s’est-il passé ?
À l’entrainement, pendant que je préparais mes tests de début de saison, je me suis fait une rupture partielle du ménisque droit. C’était fin août, et ça faisait un mois que j’avais une petite douleur. Mais je ne me suis pas alerté. Je me suis dit « Nico, 47 ans, c’est normal que tu commences un peu à avoir mal au genou ! » (rires). Je courrais, comme d’habitude, et là, je sens quelque chose qui se coince sous mon genou. Impossible de marcher. C’est ma première blessure !
Psychologiquement, dans quel état te sentais-tu ?
Le 31 août, quand ça a pété, je suis rentré chez moi et j’étais abattu. Ça faisait six mois qu’on n’avait pas arbitré. Je pense que je me suis blessé à cause de la COVID. À tourner autour de chez-soi sur le bitume pendant trois mois, ça m’a mal préparé. Mon corps était habitué à faire des matchs tous les deux-trois jours, à s’entrainer en salle, sur le parquet ou sur la piste d’athlétisme. C’est complètement différent que courir sur le trottoir. Je courrais pour rester en forme mais mon corps a dit « stop, on arrête ça ». Quand ça fait six mois que tu n’as pas arbitré et que tu te blesses le 31 août, tu sais que l’année est foutue. Ça a été dur le 31, mais ensuite, le 1er septembre j’étais déjà à la recherche d’un chirurgien, je cherchais à gagner du temps sur l’opération et voir comment allait se faire ma rééducation. Je voulais juste revenir au plus vite !
© Guillaume Poumarede
Psychologiquement c’était dur. Quand je rentrais le soir chez moi, j’étais fatigué !
Après ça, comment ça s’est passé pour toi ?
Je me suis fait opérer à Toulouse mi-septembre. Ensuite, j’ai fait ma rééducation à Médipôle, qui est un centre de rééducation pour les sportifs de haut niveau, basé à Toulouse. Je faisais trois heures de musculation tous les jours pour ma cuisse et cela pendant un mois et demi puis ensuite kiné une fois tous les deux jours. C’était une grosse période de récupération. J’ai dit au chirurgien que je voulais être prêt pour fin novembre, début décembre, et il a adapté mes séances de rééducation avec l’objectif que je lui avais fixé. Au final il a été bon car j’ai passé mes tests physiques le 24 novembre !
Et pendant cette période, pour la FIBA et la FFBB, comment était le processus de retour à la compétition ?
Pour la FIBA, on est suivi par la montre POLAR et par un préparateur physique. On était en contact permanent, je l’informais de ma rééducation, de mes entrainements et de comment je me sentais. Il me suivait et petit à petit, on a déterminé quand est-ce que je pouvais passer le test. Mais après deux mois et demi de renforcement musculaire, je peux te dire que les tests tu les passes les doigts dans le nez ! Je n’ai jamais été aussi prêt je pense (rires) ! Déjà, quand je me suis pété, j’étais prêt physiquement. J’ai juste eu une coupure de deux semaines et ensuite j’ai enchainé avec le renforcement musculaire. Je suis dans une forme olympique ! (rires)
En tant qu’arbitre de haut niveau, est-ce que tu avais la possibilité de te soigner autre part que Toulouse avec l’aide de la FFBB ?
La FFBB a un pôle médical qui est basé à l’INSEP, avec un médecin et des kinés. Ils m’ont proposé et si j’avais besoin de me faire soigner à Paris, j’aurais pu le faire. Mais comme j’ai fait une thèse dans le milieu de la recherche et que j’ai un Doctorat dans le secteur de la cancérologie, j’avais des contacts à Toulouse. Du coup j’ai préféré activer mon réseau personnel qui était basé ici. C’était aussi beaucoup plus près de chez moi et en plus c’était la rentrée des classes. On est habitué à partir mais si je partais me faire soigner à Paris ou en Bretagne, c’était trois semaines d’absence, c’est un peu long. Puis même, psychologiquement c’était déjà assez dur. Quand je rentrais le soir chez moi, j’étais fatigué !
Justement, comment ça se passait ? Tu faisais l’aller-retour, tu pouvais conduire ?
Ce qui est fou c’est que quand je me suis fait opérer, le soir de l’opération, je montais les escaliers de chez moi sans béquilles et sans douleurs. Je n’en revenais pas ! Du coup je faisais les aller-retours tous les jours. Avec ma voiture automatique, c’était simple. Juste à appuyer sur l’accélérateur, freiner et mettre le régulateur, eh hop (rires) ! J’ai eu de la chance de me faire cette blessure en 2020. En 2000, on m’aurait coupé tout le ménisque, là on m’a coupé que 5%.
J’étais basé à la table de marque et à chaque situation qui pouvait conduire à la vidéo, je parlais dans le casque où j’étais en relation directe avec le réalisateur de Canal+.
Tu as repris la compétition à Pau sur les qualifications à l’EuroBasket 2022, comment ça s’est passé ?
J’étais en pourparlers avec la FIBA car ces qualifications tombaient pile pendant la période où je devais passer les tests physiques. Comme on est désigné 10-12 jours avant, ce n’était pas possible car je n’étais pas sûr encore de pouvoir être prêt. J’ai préféré leur dire que j’étais dans le flou et que je me mettais off pour les fenêtres de qualifications. Ensuite, je savais que chaque pays devait fournir un arbitre vidéo qui était présent à la table de marque, et que cet arbitre devait être un arbitre international. C’est une désignation de la Fédération et non de la FIBA. Il fallait que l’arbitre soit compétent pour les cas pouvant faire l’objet d’une vérification vidéo. Il faut maitriser ces situations, parler la langue du pays, donc français, et parler aussi anglais pour pouvoir communiquer avec les collègues. J’étais donc basé à la table de marque et à chaque situation qui pouvait conduire à la vidéo, je parlais dans le casque où j’étais en relation directe avec Yvan Bodenes, le réalisateur de Canal+. Je lui disais quelle image prendre, un plan large, une vue sous le panier ou autre, comme ça, dès que les arbitres arrivaient, ils n’avaient plus qu’à visionner les images. Tout était déjà prêt. En Europe, les arbitres qui font les fenêtres internationales sont les arbitres élites donc j’avais déjà arbitré avec les arbitres qui étaient présents à Pau, c’était marrant.
Après cette expérience, tu as découvert une autre facette de l’arbitrage. Qu’en as-tu pensé ?
Je pense que nous tous, tous les arbitres, on devrait passer par la case arbitre vidéo. J’ai vu l’importance de la caméra, de l’angle de vue, de la vitesse à laquelle tu regardes un ralenti, comment tu vas demander à visionner l’action, combien de fois… Tu as un retour vraiment différent car en Basketball Champions League, c’est nous qui parlons dans le casque, directement à l’interlocuteur qui est dans le bus. On parle en direct avec le réalisateur et parfois il met du temps à trouver une image. Il n’y a pas d’intermédiaire. Maintenant, quand je vais aller demander la vidéo en BCL, je vais être différent dans mon approche, plus précis peut-être, étant donné je l’aurai déjà vécu. Ça fait une expérience comme quand on essaye les postes de la table de marque par exemple. On comprend mieux les situations.
Une nouvelle expérience pour Nicolas Maestre qui n’enlève pas son envie de retrouver les parquets et pouvoir enfin re-siffler après près de neuf mois d’attente. Et en neuf mois, il s’en est passé des choses. Le PSG a joué une finale de Ligue des Champions, la France s’est confinée deux fois, les États-Unis ont élu un nouveau Président… Après tout ce temps, la saison reprend pour Nicolas Maestre. Réserviste en Jeep Élite ce dimanche à Pau (appelé seulement si désistement), il signera officiellement son retour sur les parquets à Ostende, en Basketball Champions League, le mercredi 9 décembre – toujours dans les temps de ce qu’il avait convenu avec son chirurgien.
© Guillaume Poumarede / BCL / Guillaume Poumarede
© 1ere photo : Guillaume Poumarede