Pour le premier épisode de la série « L’interview de Geoffrey », l’équipe de Referee Time est allée à la rencontre du Président de la Fédération Française de Basket-Ball : Jean-Pierre SIUTAT. Joueur en Championnat de France, entraîneur en Ligue Féminine, sa relation avec le corps arbitral, l’Euroleague vs FIBA, le Président nous raconte tout ! Découvrez ou redécouvrez ici les meilleurs moments de cet entretien (la vidéo est toujours disponible sur notre chaîne YouTube !).
C’est l’épisode d’ouverture, on est aujourd’hui avec le président de la FFBB, Jean-Pierre SIUTAT. Merci de nous ouvrir les portes de la Fédération. Comment allez-vous Président ?
Ca va très bien. On a eu quelques petits problèmes liés au virus mais on vise maintenant la reprise des compétitions. Ça a
déjà été fait en 3×3 ce we (ndlr : l’interview a été réalisée le 29 juin 2020, donc après l’open plus 3×3 du Cap d’Ail) et on espère que le 5×5 va reprendre dès le mois de septembre, c’est l’objectif.
Vous êtes donc le Président de la FFBB depuis le 13 octobre 2010. Vous avez également été le Président de la LFB durant 9ans. […] Comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser au basket ?
Wow ! Je suis tombé dedans, comme Obélix, à l’époque. J’ai toujours été passionné par le basket. J’ai grandi dans un collège, mon père en était directeur. Il y avait des panneaux de basket et dès qu’on avait un moment, je partais avec un ballon et j’allais jouer, tout simplement. Je me souviens, tout gosse, il fallait que je traverse le dimanche matin les couloirs obscurs du collège pour aller à l’église, à la messe. C’était à l’époque du pensionnat, il y avait de jeunes filles qui étaient là. On traversait donc le terrain de basket pour aller à l’église, et c’était des cousines qui étaient là et elles m’ont pris en main, elles m’ont fait jouer au basket, donc j’ai souvent séché la messe et c’est là que j’ai eu la passion du basket.
On nous a même raconté une histoire où vous avez terminé littéralement en sang dans votre toge, et vous aviez dû mentir à vos parents…
Je vois que vous connaissez l’histoire ! (sourires). Effectivement, je suis revenu avec les genoux ensanglantés et mon père m’a demandé ce qui m’était arrivé. Je lui ai dit que j’avais trop prié mais il ne m’a pas cru ! (rires) […] c’était une autre époque.
Vous dites que vous n’avez pas fait une grande carrière de joueur, pourtant vous avez joué jusqu’en Nationale 3 à Tarbes. Qu’est-ce qui a fait que vous avez arrêté et que vous vous êtes vite lancé dans le coaching derrière ?
Oui bon… Nationale 3 ce n’est pas le grand niveau ! […] je me suis retrouvé dans un petit club à côté dans lequel il manquait un coach, donc les filles à l’époque m’ont demandé de les entraîner et j’ai accepté en me disant « pourquoi pas ». Et ça c’est très bien passé tout de suite puisqu’on a fini premiers. Puis j’ai réintégré mon club d’origine, que j’ai créé, le club de Tarbes, et au travers de ça j’ai entraîné et c’était une épopée : on était en pré-nationale puis on est monté tous les ans. Je me suis donc pris au jeu en tant que technicien et dirigeant car je faisais aussi plein d’autres choses : j’étais trésorier du club, responsable marketing, chauffeur du bus… je faisais tout ça bénévolement à l’époque. Voilà, je continuais à jouer en réserve quand même, je marquais quelques points, d’ailleurs j’ai retrouvé des coupures de presse pendant le confinement où j’avais cartonné en région, c’était assez sympa.
C’est-à-dire ? 30 points par match ?
Peut-être pas 30, mais pas loin des 25 (rires).
Vous vous êtes tournés donc très rapidement vers le coaching, est-ce que c’est à partir de là que vous vous êtes dit « je veux faire du basket mon métier » ?
Non, jamais. Je ne me suis jamais posé la question. J’étais ingénieur, j’ai commencé à 22 ans. […] et puis j’ai cette passion du basket que j’ai réussi à développer autrement, dans une carrière de bénévole. J’ai coaché à haut-niveau, j’ai été élu entraîneur de l’année… j’étais bénévole ! Je n’ai jamais touché d’argent au travers du basket. Puis en 1996, j’ai intégré la fédération. […] Le jour où j’ai été élu président, j’ai fait le choix de devenir professionnel, car nous sommes une grande fédération et on ne peut pas le faire à distance une fois tous les 15 jours. Mais très sincèrement dans ma tête, je suis un bénévole du basket.
Vous avez co-fondé le club féminin de Tarbes que vous avez amené en finale. Le basket féminin, ça a été une évidence tout de suite ?
Pas du tout, je n’ai jamais rien cherché, jamais rien calculé. Il y a eu une opportunité, je l’ai prise, on est venu me chercher car il n’y avait pas de coach, elles étaient en 3e niveau régional à l’époque. C’était une bande de copines, on l’a fait et ça a marché. On a travaillé, j’ai acheté des bouquins, à l’époque internet n’existait pas. Puis je me suis passionné. Être coach, c’est être bâtisseur, ingénieur : on a des pierres qu’il fait assembler pour réussir. Il y a une partie stratégique, une partie tactique, tout ce qu’il faut faire avant… […] puis pour x raisons, j’ai arrêté. On est venu me chercher pour aller entraîner des garçons, mais je n’y serai même pas allé de moi-même, ça ne m’intéresse pas.
Etre coach d’une équipe, c’est résoudre un problème, et gagner. Donc on doit s’adapter »
Jean-Pierre SIUTAT
Jean-Pierre SIUTAT, c’était quel type de coach ?
Ça dépend des équipes que j’avais, et de l’adversaire. C’est toujours pareil, c’est la culture, mes parents étaient profs de maths, donc il fallait résoudre des exercices. J’y ai passé toute ma jeunesse. Être coach d’une équipe, c’est résoudre un problème, et gagner. Donc on doit s’adapter. […] Il y a l’arbitre qui est pas bon, qui à un moment donné siffle trop de fautes, etc… comment on fait ? C’est la partie où on doit s’adapter. J’ai une devise dans la vie : « est vrai ce qui est utile », c’est le pragmatisme. On doit s’organiser en fonction de, et non pas avoir une philosophie et mourir avec. J’étais connu comme un stratège.
Et la solution pour le basket féminin, vous en avez été à l’origine avec la création de l’open LFB. On a entendu beaucoup de choses pendant le confinement : aujourd’hui, pouvez-vous nous officialiser que cette compétition n’existera plus à la rentrée 2020 ?
Oui, ça a été le choix de tous. Bon, ça a fait son temps. J’étais à la genèse de ce projet. Les italiens avaient déjà eu l’idée avant nous. [….] Mais tout événement s’essouffle. Il faut un renouveau. On a décidé de passer à autre chose. On essaie de mettre en place avec les clubs une nouvelle gouvernance avec un nouveau projet, de nouvelles ambitions. Au travers de ça, on ne peut pas faire une nouvelle ambition avec du réchauffé. Il a été acté de laisser tomber. On fera un media day, un match des champions (on essaiera de faire un gros coup sur Paris).
On va s’intéresser aux arbitres, que vous avez peut-être critiqué dans votre carrière d’entraîneur. On va également parler des différentes casquettes que vous avez : président de la FFBB, père, homme, membre du CNOSF (de 2013 à 2019, ndlr), et vice-président de la FIBA Europe. Vous ne vous arrêtez jamais ?
Déjà, sur le fait de critiquer les arbitres : je ne me souviens pas avoir critiqué réellement les arbitres en match. D’abord chercher à prendre le dessus sur une discussion, ça, ça fait partie du jeu. Je me souviens, un qui est témoin de ça, c’est Goran RADONJIC (ex arbitre FIBA, ndlr). On a fait une finale de championnat de France contre Bourges à domicile où on perd de très peu. Et les médias ont dit que c’est la faute des arbitres si on perd de 2 points. J’ai dit que non, les arbitres ont été excellents, si on perd c’est parce que j’ai fait des erreurs. Depuis, je sais que de la part de Goran et d’autres, j’ai le respect. J’ai jamais eu l’impression de critiquer les arbitres. Ils font partie du jeu, à nous de nous adapter.
Après le reste… quand on bâtit quelque chose, on a besoin d’avoir plusieurs sujets. Par exemple, on ne peut pas bâtir un mur si on a que des pierres. Il faut du ciment, de l’eau, les meilleures pierres… et forcément on est obligé d’aller les chercher ailleurs, sinon on se cloisonne. On s’enrichît de la différence, qu’on peut trouver dans les autres fédérations comme le hand, le foot ou même les petites fédérations. Et c’est intéressant, car ça fait à un moment donné la différence d’aller chercher ce qui est ailleurs et ce qui est bon pour nous. L’international est important, car on est une fédération nationale, mais noyé dans un monde international. Quand on regarde la puissance de notre fédération, on est n°1 dans le monde, en terme de puissance, nombre de salariés, de budget,etc… La Chine à part car c’est un peu spécial. On a automatiquement une influence sur l’international.
Vous avez dit « le basket a une place importante en France » mais a-t-il la place qu’il mérite ? On se souvient de vos propos lors de la Coupe du Monde 2019, où vous regrettiez le manque de médiatisation pour la médaille de bronze des Bleus. Aujourd’hui, est-ce que le basket est laissé de côté par les instituions gouvernementales et politiques ?
Non non non… je ne pense pas. Je dirais que pour faire simple, il y a le foot et le reste du monde. Derrière, c’est surtout un raté conjoncturel de la Ministre et… mais ça c’est fini, on est passé à autre chose depuis. Il fallait que je pense politiquement, car c’est quand même une Coupe du Monde. Je pense que ça aurait été le foot, il y aurait eu non seulement la Ministre mais beaucoup d’autres personnes autour. Je leur en veux pas, on est très bien perçu, ils savent le travail qu’on fait ici, le sérieux qu’on a, on sert souvent d’exemple. On se pose souvent la question de savoir si on est à la bonne hauteur médiatique, mais on est le seul sport dans lequel il y a une ligue américaine qui tue tout (la NBA, ndlr). Il faut faire avec.
La NBA attire forcément beaucoup de jeunes prospects dans les centres de formations. En tant que président de la FFBB, quand on voit autant de jeunes joueurs français évoluer outre-Atlantique, on imagine que c’est forcément une fierté ?
Oui bien sûr, c’est la réussite de notre travail ça aussi. On a deux grandes missions : la performance (faire en sorte que les équipes de France performent) et l’animation des territoires (proposer des compétitions, des formations, une vie à nos clubs et à nos licencié(e)s). Pour être performant, il faut un PPF (parcours de performance) de qualité. On a des potentiels […] avec lesquels on travaille car le système de formation et de détection est de qualité, donc il n’y a pas de raison qu’on ne réussisse pas. Je suis persuadé qu’on peut encore mieux faire. Certains partent aux Etats-Unis pensant que c’est la voie royale pour aller en NBA, mais je pense qu’on forme mieux nos talents ici, avec des compétitions européennes de qualité, plutôt que d’aller jouer en Université américaine. C’est le choix de chacun, qu’il faut respecter.
« Un bon arbitre, c’est celui qui prend la maîtrise du jeu »
Jean-Pierre SIUTAT
On vous remercie encore de nous ouvrir les portes de la FFBB. On en a rapidement parlé, on va revenir sur les arbitres. Question très simple : pour vous, c’est quoi un bon arbitre ?
Un bon arbitre, c’est celui qui prend la maîtrise du jeu. C’est celui dont on se souvient globalement pas quand il part (il réfléchit). Quand j’étais coach, j’étais incapable de savoir qui m’arbitrait. Je me suis adapté. Un ou une arbitre, c’est quelqu’un dont on ne se souvient pas du nom. Sauf le plus connus qui font des compétitions internationales, mais le grand groupe, c’est ceux qui ont bien fait leur boulot, qui ont eu une bonne maîtrise, un bon contact avec les acteurs du jeu et qui fait en sorte que tout le monde sorte satisfait de ce qu’il s’est passé.
Est-ce que vous avez déjà pris le sifflet, par exemple à Tarbes ?
Je l’ai pris jeune, très jeune quand il fallait participer dans le cadre de la formation. Je me souviens qu’il n’y avait pas d’arbitres sur un match, dans le Tarn-et-Garonne à Septfonds, et ça ne s’est pas très bien passé pour moi (rires). Concernant les jeunes arbitres, ils sortent trop tôt de leur club. Il faut trouver des solutions pour qu’ils puissent arbitrer dans leur club au départ, qu’ils puissent se former dans un environnement peut-être un peu plus sympathique pour eux. Et qu’ensuite on monte en puissance sur le parrainage, c’est-à-dire une personne d’expérience avec un jeune. Il y a beaucoup de jeunes qui partent mais qui auraient envie de continuer, et ce parce que ça leur fait peur tout ça. On a un travail à faire, le séminaire était très intéressant, on va le poursuivre car on a mis en place des groupes de travail. Je trouve ça dommage car des jeunes sont volontaires et veulent progresser ; si on ne met pas nous l’environnement initial pour petit à petit les mettre devant le vrai environnement, ça sera délicat. Pour en avoir discuté avec d’autres sports, c’est partout pareil. Et le foot, c’est pire.
Ce que fait La Poste au travers des JNA (Journées Nationales de l’Arbitrage, ndlr) et la sensibilisation, je trouve ça très bien. Je pense qu’on va y arriver. On a besoin d’arbitres, comme on a besoin de joueurs… personne n’est indispensable, mais on a besoin de tout le monde. C’est qu’un jeu. L’important, c’est que le jeu se fasse du mieux possible.
L’arbitrage français est très performant au niveau international, on peut citer Eddie VIATOR ou encore Yohan ROSSO qui ont tout deux officié sur des finales internationales ; ou encore Thomas BISSUEL, Marion ORTIS, Christina MANOLI pour ne citer qu’eux qui ont officié sur des championnats d’Europe Jeunes. Est-ce que la FFBB continue de les suivre une fois qu’ils deviennent FIBA ou est-ce que c’est la FIBA Europe qui s’en occupe ?
Bon déjà, il y a plusieurs choses. Quand j’ai pris la présidence en 2010, il y avait quand même un retard : il y avait 7 arbitres internationaux, alors que la France devait en avoir entre 12 et 15. Donc on a reboosté tout ça, il y a eu un travail de fait avec le HNO (Haut Niveau des Officiels, l’instance qui gère les arbitres de haut-niveau, ndlr), avec Goran RADONJIC qui a fait un gros travail. Ensuite, il y a une nouvelle ouverture en ce moment avec l’arbitrage féminin. Une volonté de la FIBA également. On avait pris les devant avec le groupe HN4 (groupe d’arbitres féminines). Une fois que les gars sont internationaux, celui qui les suit plus particulièrement, c’est Goran RADONJIC. Ensuite, on a continué à renforcer le HNO et on donne de plus en plus de missions à des arbitres comme Eddie VIATOR, qui sont en fin de carrière à l’international, l’idée étant de profiter de leur expérience pour suivre les internationaux. On crée aussi des programmes, « on the road to Tokyo », qui permet de préparer la relève des arbitres internationaux.
Malgré la présence de ces arbitres internationaux français, certains arbitres regrettent le manque de professionnalisme de leur statut. En effet, tous les arbitres ne sont pas salariés de la FFBB (ils ne sont que 6). Est-ce que vous comprenez leur critique ?
Je ne sais pas si c’est une critique, mais c’est une évolution nécessaire sur laquelle on doit réfléchir. Il y a eu la loi Braillard de mars 2017 qui autorise à avoir des arbitres professionnels. Je leur ai promis d’y travailler. On a fait une première réunion de travail, j’ai eu l’occasion de discuter avec d’autres présidents de fédérations d’autres sports, qui aujourd’hui ne sont pas dans la même volonté d’avancer. Pour répondre à la question, la réponse est oui. C’est nécessaire car il faut de la disponibilité et du travail pour se préparer.
Le niveau va continuer à progresser, donc tous les acteurs doivent progresser. […] Si on le fait et qu’on embauche des arbitres, en gros le groupe HN aujourd’hui c’est environ 80 arbitres, on en embauchera beaucoup moins, à un tarif qui sera peut-être pas celui que les gens touchent aujourd’hui : parce qu’entre ceux qui travaillent plus leur compétent arbitre, ils ont globalement une bonne rémunération. C’est un choix de vie qui sera différent. Les arbitres arbitreront davantage puisqu’automatiquement ils seront dispos pour le faire. […] Ça fait partie des dossiers qu’on va ouvrir, bien évidement.
« L’Euroleague est une très belle compétition. Mais ce sont des gens qui ne respectent rien »
Jean-Pierre SIUTAT
On va parler de la FFBB, depuis 4 mois la France et plus globalement le monde traverse une crise sanitaire sans précédent. On rappelle que la FFBB était sur une dynamique extrêmement positive depuis plusieurs années, notamment en terme de licenciés. Est-ce que vous êtes inquiet pour l’avenir de la FFBB ?
Si je disais que ça ne m’inquiète pas, je mentirais. Il faut être optimiste, on a beaucoup bossé. On est entre 130 et 140 salariés. Notre objectif numéro 1 ici était de sauver les emplois. […] Le deuxième point était d’accompagner les clubs. On a créé un fond de retour au jeu pour permettre au basket de repartir. Apres, je suis inquiet pour la saison prochaine… bon, dans un premier temps les budgets des clubs seront réduits. Donc ils auront une capacité de recrutement moindre… et alors ? On fera jouer les jeunes. Et alors ? …
… donc c’est une bonne chose ?
Ça peut être une bonne chose quelque part. Après, j’ai surtout peur d’une deuxième vague de pandémie au mois de novembre/décembre. Alors ça va être très compliqué… Là, la plupart des championnats étaient terminés ; si c’est en novembre/décembre, c’est plus compliqué. […] On sait où on va investir, on va continuer à aider les clubs, on est optimiste.
Vous avez déclaré auprès de nos confrères de La Dépêche que le basket français représentait environ entre 400 et 500M d’euros. Est-ce que le budget de la fédération est impacté pour l’année prochaine ?
Oui, bien sûr. Il y a 10 ans, le budget de la fédération était à 18. Là, il est à 38. Je pense qu’on va retomber vers 32, 35… […] aujourd’hui, le budget de la fédération c’est les licences, les compétitions, le marketing, les droits TV, l’événementiel… événementiel qui [n’a pas pu] avoir lieu cet été. […] Si on maintient le nombre de licencié et le nombre de partenariat, ce sera un moindre mal.
Président, vous êtes vice-président de la FIBA Europe donc vous êtes au milieu du conflit entre l’Euroleague et la FIBA (qui gère la BCL (Basketball Champions League, ndlr)). Comment vous percevez le fait que de plus en plus de clubs français veulent participer à la BCL, et non pas à l’Eurocup ou l’Euroleague ? Est-ce que la BCL est en train de prendre le pas sur les autres compétitions européennes ?
J’espère, très sincèrement, j’espère. Je n’ai rien contre le fait que les clubs français veulent jouer la meilleure compétition d’Europe, y compris l’Euroleague. Le problème, c’est que les gens qui respectent l’Euroleague ne respectent pas le basket international ou les fédérations. Le vrai sujet, c’est pas l’Euroleague, la BCL… le vrai sujet, c’est est-ce que le modèle européen du sport va être maintenu tel qu’il existe (système pyramidal, les meilleurs des pays vont jouer les compétitions européennes) ou est-ce qu’on va vers le système américain avec des franchises et une ligue fermée ? Donc si demain c’est ça, on va voir les meilleurs clubs de basket d’Europe qui vont se mettre ensemble et vont jouer uniquement leur compétition. Puis ce sera les clubs de foot, de rugby,…. c’est ça le système américain. Il n’y a pas de solidarité avec le sport amateur. Il n’y aura rien pour financer le sport amateur, il n’y aura plus de ligue ou d’équipe nationale… donc plus de formation de jeunes et plus de fédération ! A terme, on aura des ligues fermées, avec peut-être des ligues « réservoirs » (l’Eurocup) et puis derrière des académies qui vont former les joueurs, moyennant finances. Et nous au basket, les joueurs partiront aux Etats-Unis se former. Ils ne seront donc plus JFL (Joueur Formé Localement, nldr), et ils n’existent plus chez nous. Est-ce dont on veut ? Nous à la fédération, on veut former nos jeunes pour l’équipe nationale et animer nos territoires. D’où les compétitions pyramidales. Si ça n’existe plus, qu’est-on censé faire ?
La FIBA Europe cherche à faire un projet alternatif : la BCL, qui est gérée à 50% par la FIBA et à 50% par les ligues nationales. […] Ce projet plait, des investisseurs y croient donc il y a de l’argent et on peut aller chercher des clubs plus huppés. L’Euroleague est une très belle compétition. Mais ce sont des gens qui ne respectent rien. Exemple : les arbitres (il le répète). On (la FIBA) a investit pour avoir des arbitres de haut-niveau et si on leur propose d’arbitrer l’Euroleague, quelle est la compensation de l’Euroleague vis-à-vis de ceux qui les ont formé ? Rien, ça n’existe pas. Pareil pour les coachs, les joueurs. Il n’y a pas de retour sur investissement, comme ça existe en NBA avec le buyout. Ce sont des gens qui ne font que prendre, on ne peut pas apprécier le travail qu’ils font.
A vous entendre parler, on sent dans vos propos que le conflit est réel entre la FIBA et l’Euroleague. Est-ce que vous en voulez à l’ASVEL de jouer l’Euroleague ?
Non, pas du tout. Premièrement, on a toujours autorisé les clubs français à jouer en Euroleague, et deuxièmement on les protège en terme de calendrier. On ne le fera pas pour l’Eurocup. […] c’est le choix de la Ligue Nationale. Si à un moment il y a deux matchs sur la même journée, il faudra que les clubs choisissent. On ne peut plus faire. Tout simplement, la structure privée ne cherche qu’à pomper de l’argent. Il n’y a pas de retour sur investissement, et ça, on ne peut pas l’admettre. Il y a les fameuses fenêtres internationales, je ne vais pas en parler… mais ils devraient laisser les joueurs disponibles pour les équipes nationales : ce n’est pas le cas. C’est fait exprès : [ils] sont venu mettre la journée Euroleague sur celle de la fenêtre internationale pour créer les conditions de l’échec. Les gens comme ça, moi je ne peux pas les voir. Ils le savent en plus. […] c’est géré directement par les gros clubs. On peut le comprendre… je suis gros, je suis le PSG, j’accepte de faire des sacrifices pour jouer avec la communauté, avec des clubs moins riches. Mais si à un moment donné on me propose un projet alternatif où entre riches on devient encore plus riches, ils
choisissent de partir. C’est normal ! Et on n’est pas contre. A une condition : qu’on respecte ceux qui sont dessous. […] on a créé les conditions de la réussite de tous ces clubs. […] Il faudra bien qu’un jour, la commission européenne décide de ce qu’elle veut faire du sport de haut-niveau.
On a parlé de l’Euroleague masculine, mais les filles ne sont pas en reste. On a appris que Montpellier ne pourrait pas repartir en Euroleague l’année prochaine : c’est Basket Landes qui devrait les remplacer. Comment cela s’est-il passé ?
C’est simple : Montpellier ne repart pas. Soit on en reste là, soit on repêche un club d’Eurocup pour l’upgrader en Euroleague. L’objectif, c’est de ne pas perdre une place en Euroleague : j’ai appelé la FIBA Europe et on a réglé ça. […] l’important, c’est de conserver cette place.
Question plus personnelle : allez-vous être candidat à votre propre succession lors des prochaines élections à la FFBB ?
Je l’ai annoncé, oui. J’aurais pu me présenter à la présidence de la FIBA Europe, mais j’ai refusé car je pense qu’il y a encore du travail à faire ici. On est dans un contexte très difficile, et derrière [Paris] 2024 est un vrai catalyseur, mais aussi une menace quelque part, et on doit y travailler, intégrer le 3×3, les nouvelles pratiques alternatives… je suis motivé pour continuer. Je pense que j’ai encore des choses à dire pendant 4 ans, mais ça sera le dernier.
Président, merci beaucoup de nous avoir accorder ce temps au sein de la FFBB. On va lui souhaiter le meilleur pour l’année prochaine. Que faut-il vous souhaiter à titre personnel et à titre fédéral ?
A titre personnel, d’avoir la bonne santé pour pouvoir continuer à œuvrer parce que c’est beaucoup de travail, d’énergie et d’abnégation ; et pour le basket français, d’abord une reprise post-COVID importante, puis plein de réussite aux équipes nationales, aux clubs, et une harmonie, une bonne ambiance de travail au sein de la fédération.
Propos recueillis par Referee Time